La révolution américaine de 1933

Francis Parker Yockey

La guerre d'indépendance américaine, 1775-1783, fut considérée de deux manières par deux types différents de participants. Les leaders de type créatif, comme Hamilton, Washington, Franklin, Rutledge, la voyaient comme une guerre internationale, entre une nation américaine à son stade de formation, et l'Angleterre. Cette nation américaine était pour eux une nouvelle Idée, et les divers slogans et idéaux idéologiques qui étaient utilisés comme matériel de propagande n'étaient pas l'essence, mais l'habillage temporaire de la nouvelle Idée nationale. Pour les types inférieurs comme Samuel Adams, Thomas Paine, et Thomas Jefferson, cependant, la guerre était une lutte de classes, et l'Idée d'Indépendance était seulement une technique pour réaliser les idéaux égalitaires de la littérature rationaliste. La mise en œuvre de ces idéaux d'égalité avait déjà pris la forme de la jalousie, de la haine, et de la destruction sociale, en Amérique et en Europe. Les guerriers de classe considéraient la guerre comme une lutte pour l'égalité, pas comme un combat pour l'indépendance nationale américaine. Ils haïssaient la monarchie, le leadership, la discipline, la qualité, l'aristocratie, tout ce qui est supérieur et créatif.

L'Idée-Nation immanente dans les esprits des créateurs, conduits par Hamilton, était le classement organique sain et naturel de la population du haut vers le bas, avec un monarque et une aristocratie au sommet, éduqués depuis la naissance pour l'idée du service de l'Idée Nationale. Ils conçurent, dès ce stade précoce, l'idée d'un Impérialisme Américain planifié sur l'arrière-pays du continent, et dans les Caraïbes.

Les deux idées continuèrent à travers l'histoire de l'Amérique. La lutte de classes est une maladie-de-la-Culture autopathique qui surgit avec le début de la Crise de Civilisation, et qui est finalement liquidée avec la fin de cette crise, et le commencement de la seconde phase de la Civilisation, la Résurgence de l'Autorité. L'histoire entière de l'Amérique jusqu'à maintenant a été à l'intérieur de la première phase organique de Civilisation, qui commença vers 1750 pour la Culture Occidentale, triompha en 1800, et est maintenant intérieurement accomplie.

La lutte des classes a ainsi toujours été considérée comme naturelle et normale en Amérique, plutôt que comme l'expression d'une grande crise de la Culture avec une origine, une direction, et une fin.

Les forces de lutte des classes, conduites par Jefferson au temps de la fondation de l'Union américaine, en 1789, ont été dans la situation unique où il n'y avait aucune idéologie opposée à elles. Depuis la défaite du Parti Fédéraliste en 1828, il n'y eut aucune résistance spirituelle à la lutte des classes en Amérique, mais seulement une résistance rudimentaire. Qu'elle ait atteint en Amérique une profondeur de destruction qu'elle ne put jamais atteindre en Europe est dû, cependant, pas à cela seulement, mais à la présence de forces extra-occidentales. Ces forces sont intervenues dans la vie publique de l'Amérique, et ont nécessairement déformé cette vie et l'ont éloignée de ses origines occidentales.

La nature même d'une Colonie, comme on l'a vu, ne génère pas seulement des tendances politiques centrifuges, mais affaiblit aussi le lien avec la terre-mère de la Culture, dont provient la vie intérieure de la Colonie. Cela fait de la zone coloniale une zone de faible sensibilité culturelle, et une zone de faible résistance aux forces extérieures à la Culture. C'est ce faible pouvoir de résistance aux forces sub-culturelles et extra-culturelles qui a apporté l'obsession de l'économie, et a permis un l'afflux sans précédent d'étrangers à la Culture durant le dernier demi-siècle.

Lors de la Convention Constitutionnelle, en 1787, Benjamin Franklin tenta de faire inclure dans la Constitution projetée une clause excluant pour toujours les Juifs de l'Amérique. Les idéologues de l'«humanité» et de l'«égalité», ne comprenant pas ce que Franklin avait à l'esprit, ignorant tout du Juif -- car il n'y eut presque pas de Juifs en Amérique jusqu'au siècle suivant -, rejetèrent le conseil de Franklin. Son avertissement que s'ils ne le faisaient pas, leurs descendants devraient travailler pour les Juifs dans deux siècles, ne fut pas entendu. Ces idéologues ne connaissaient que l'«humanité», et préféraient ignorer les vastes différences entre les êtres humains se trouvant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une certaine perception du monde.

L'immigration en Amérique pendant le 19ème siècle venait de toutes les parties de l'Europe Occidentale, mais principalement d'Angleterre, d'Allemagne et d'Irlande. Vers la fin du siècle commença l'immigration juive, et peu après l'afflux de Slaves des Balkans, de Russes, et de gens de Méditerranée orientale. De faibles mesures défensives furent prises, comme l'Immigration Act de 1890, qui établit un quota pour les populations de chaque pays européen, calculé de manière à favoriser les immigrants d'Europe du Nord par rapport aux Slaves et aux Levantins. Aucune de ces mesures, cependant, ne gêna le Juif, car, venant d'une Culture différente, ses mouvements sont statistiquement invisibles pour les nations occidentales. Il entra par le quota anglais, le quota allemand, le quota irlandais, et tous les autres.

Dans la description du parasitisme de la Culture, a été montré l'effet de la présence d'un grand nombre de Nègres, d'Asiatiques et d'Indiens dans la vie américaine. A ce nombre il faut ajouter celui des populations d'Europe orientale -- en excluant les Juifs -- qui, bien qu'assimilables, n'avaient pas été assimilées. La conception du monde du Rationalisme, qui génère le Matérialisme, l'obsession de l'Argent, le déclin de l'autorité et le pluralisme politique, travailla contre l'assimilation, et comme les déformeurs de Culture avaient de plus en plus de pouvoir et d'importance sociale, l'assimilation fut délibérément entravée pour garder l'Amérique dans une condition spirituellement désarticulée, divisée et chaotique. Les efforts défensifs de la part des Américains de sensibilité nationaliste pour restreindre ou abolir l'immigration furent frustrés par la déformation de la Culture.

Entre 1900 et 1915, quinze millions d'étrangers immigrèrent en Amérique. Peu venaient d'Europe occidentale. Presque tous venaient d'Europe du sud-est, de Russie, de Pologne, et d'Asie Mineure. Dans ces masses étaient inclus les Juifs, dont le nombre est estimé en millions. La Première Guerre Mondiale interrompit le flot de l'immigration, mais il reprit après la guerre, et fut puissamment accéléré par la Révolution Européenne de 1933. Les Juifs qui fuyaient ou qui étaient expulsés d'Europe arrivèrent en masse en Amérique.

Il faut noter que le faible exclusivisme de Culture dans les zones coloniales eut pour effet que pour les droits civils les Juifs furent traités de la même manière que les Européens à partir de 1737 dans les colonies américaines, alors qu'un siècle dut s'écouler avant que cette politique rationaliste triomphe complètement sur le sol natal de la Culture Occidentale. La seule raison à cela dans les colonies était bien sûr le fait qu'il n'y avait pas de Juifs, en tant que groupe, mais seulement quelques individus isolés, qui étaient regardés comme des curiosités.

A partir de 1890 commença l'invasion juive de l'Amérique. Dans les cinquante années suivantes, le nombre de Juifs en Amérique passa d'une proportion négligeable à un nombre estimé entre 8 et 12 millions. A cette époque New York City devint principalement une capitale juive. Parmi cette immigration juive, approximativement 80% étaient des Juifs ashkénazes. La réaction américaine commença inévitablement contre le phénomène qui accompagna inévitablement l'immigration de ce grand nombre de gens avec leur propre vision du monde, qui commença immédiatement à influencer la vie américaine dans tous les domaines et sur tous les plans. Une propagande habile utilisant l'idéologie américaine pour servir des objectifs juifs fut la réponse à cette réaction. L'Amérique devint un «melting pot», d'après l'expression du Juif Israël Zangwill, et l'idéologie américaine purement quantitative donna une légitimité à cette image dans une Amérique encore au stade de l'obsession de l'Argent.

Le sens du mot «Américain» fut changé par cette même propagande, désignant un immigrant qui avait amélioré ses conditions personnelles en venant en Amérique, et excluant l'Américain natif qui était remplacé par l'immigrant. Si ce dernier manifestait du mécontentement, il était appelé «non-américain». Ainsi les mouvements américains natifs, comme le second Ku Klux Klan créé en 1915 comme expression de la réaction de l'organisme américain à la présence du corps étranger, furent appelés avec plus ou moins de succès «non-américains» par les organes de propagande en Amérique, qui déjà à cette époque étaient soumis à une forte influence du Déformeur de Culture.

Les mots «Amérique» et «américain» furent dépouillés de tout sens spirituel-national, et reçurent un sens purement idéologique. Quiconque venait en Amérique était ipso facto un Américain, sans se préoccuper du fait qu'il avait conservé sa propre langue, vécu dans son propre groupe racial-national, cultivé ses vieux liens avec la Russie, l'Europe du sud-est, ou la Méditerranée orientale, et avait une relation purement économique avec l'Amérique. Les Américains d'origine native, cependant, représentants devant l'histoire de la nouvelle unité de la Civilisation Occidentale appelée Peuple américain, n'étaient pas ipso facto des Américains. S'ils nourrissaient un sentiment national exclusif, ils étaient «non-américains». Cette inversion des valeurs accompagne invariablement la Déformation de la Culture, et représente une nécessité vitale supra-personnelle pour l'élément déformeur de Culture. Les valeurs de la Culture-hôte, ou de la colonie-hôte, sont hostiles à la vie du déformeur de Culture, et pour lui les adopter reviendrait à disparaître en tant qu'unité supérieure. L'assimilation des Juifs signifierait qu'il n'y aurait plus d'Idée Juive, de Culture-Etat-Nation-Peuple-Religion-Race juive. En combattant les sentiments nationalistes en Amérique, l'Idée Juive combat pour son existence future parmi la Civilisation Occidentale hostile. C'est un hommage à l'habileté politique des leaders de la Juiverie qu'ils furent capables au 20ème siècle d'identifier leur Idée Juive avec l'Amérique, et d'étiqueter le nationalisme de l'Amérique avec le terme «non-américain».

II

Pour l'histoire intérieure de l'Amérique, quatre époques ont une grande signification: 1789, 1828, 1865, 1933. 1789 marqua la formation de l'Union des colonies, par l'adoption de la Constitution. 1828 marqua la défaite finale du Parti Fédéraliste, la seule force autoritaire dans l'Union. 1865 fut la soumission complète du continent à la finance, mais aussi la formation du caractère spécifique du Peuple Américain. Avec 1865, cependant, la dernière barrière à l'obsession économique fut supprimée, et le chemin fut ouvert à ce qui devait se terminer par le triomphe complet du déformeur de Culture en 1933. L'histoire occidentale future retiendra cette date comme l'année de la Révolution Américaine -- ou plus exactement comme la première phase de la Révolution Américaine -- car cette année-là, la déformation de la Culture commença à pénétrer les dernières sphères de la vie américaine, le gouvernement, l'armée, l'administration, la justice.

Pourtant cette époque passa inaperçue -- pas seulement de la grande masse des Américains, car ce n'est pas surprenant -- mais aussi de beaucoup des gardiens du sentiment national américain.

A la surface, la signification profonde des événements ne se révéla pas immédiatement. Pour la population, et pour le monde extérieur, c'était comme s'il y avait eu un simple changement d'administration, la substitution d'un parti à un autre. Une révolution gigantesque qui dans un pays européen aurait provoqué une guerre fut mise en œuvre furtivement et de manière invisible dans un pays politiquement inconscient.

Le nouveau régime rencontra dès le début une opposition considérable, car il se lança, par nécessité interne, dans un programme hostile et destructeur pour les sentiments nationaux américains.

Les instincts politiques aigus des étrangers à la Culture leur avait donnés une maîtrise complète des techniques des luttes de partis en Amérique, et ils commencèrent à monopoliser le parti d'opposition, de sorte qu'à partir de ce moment les élections furent un simple spectacle, et n'offrirent plus la possibilité d'un véritable changement de gouvernement, mais seulement la substitution d'un parti déformeur de Culture à un autre.

Dès le début de la Révolution, les affaires étrangères furent adaptées à la politique du déformeur. La Russie bolchevique se vit accorder une reconnaissance diplomatique par le régime en 1934, et Litvinov-Finkelstein fut envoyé par la Russie pour féliciter le nouveau régime à Washington. Ce fut le premier pas dans la formation de la coalition américaine-bolcheviste contre l'Europe. Le régime était encore en train de consolider son emprise sur le pouvoir, et devait agir avec prudence, car en 1936 il existait encore la possibilité d'une rébellion nationale sous la vieille forme élective.

Prenant en compte la préoccupation populaire concernant les affaires internes, le déformeur conduisit les «élections» de 1936 sur les questions intérieures. Cela devait être la dernière élection de l'histoire américaine où exista une possibilité même infime d'une révolution nationale au moyen de la vieille technique du vote. A partir de ce moment les élections furent dirigées d'une manière telle que le régime déformeur de Culture put se perpétuer au pouvoir indéfiniment par ce moyen.

III

La déformation de la Culture en Amérique, comme partout dans la Civilisation Occidentale, ne parvint qu'à embrouiller, à fausser et à frustrer l'âme de l'hôte. Elle ne put ni la tuer ni la transformer. Les tendances autopathiques américaines, sorties de l'influence désintégrante du Rationalisme et du Matérialisme, sont la source des possibilités dont le déformeur de Culture fit usage. Sa technique fut de les pousser encore plus loin dans la direction de la décadence, mais en même temps il pouvait toujours se référer aux doctrines rationalistes, elles-mêmes produits de la crise de Civilisation, comme base semi-religieuse pour son travail de désintégration.

Ainsi la rhétorique «égalitaire» de la Déclaration d'Indépendance de 1775, et les platitudes pieuses de Lincoln et des autres politiciens, furent utilisées comme base de la propagande pour la «tolérance» qui enseigne aux Américains qu'ils ne doivent en aucune manière, pas même en pensée, faire de la discrimination contre le Juif. Cette propagande est répandue depuis les lieux officiels les plus élevés jusqu'au niveau du foyer, de l'école et de l'église.

Le mouvement Noir est un puissant instrument de déformation de la Culture, et fut organisé comme tel peu après l'arrivée au pouvoir en 1933. De même, les nombreux groupes de provenance étrangère sont artificiellement empêchés de s'assimiler et de devenir des Américains, car tout groupe à la pensée étrangère en Amérique est utilisable pour la déformation de la Culture. Ainsi le groupe polonais, par exemple, fut très utile pour la propagande belliciste pendant l'automne 1939. L'utilité de ces groupes étrangers est aisément imaginable quand on réalise qu'en 1947 les trois quarts seulement de la population globale de l'Amérique étaient des Blancs nés en Amérique, que seulement 55% de la population avaient deux parents nés américains, alors que plus de 20% avaient un parent né étranger, et presque 15% de la population consistaient en personnes nées à l'étranger. Plus d'un millier de journaux et de périodiques en langue étrangère paraissent en Amérique, dans quarante langues étrangères différentes.

Le résultat global a été de mettre l'Américain natif complètement sur la défensive, à conférer une position privilégiée au déformeur de Culture, qui incarne à son plus haut potentiel l'idée d'étrangeté, et à désintégrer progressivement le sentiment national américain. La déformation de la Culture à ce degré n'aurait pas été possible en Europe, à cause de la sensibilité supérieure à la Culture et à l'exclusivisme supérieur de l'Europe, même dans des conditions démocratiques-matérialistes.

Il est nécessaire d'observer précisément les produits spirituels de la déformation de la Culture en Amérique, dans chaque sphère de la vie, car l'Amérique qui intervient en Europe n'est pas la vraie Amérique, qui existait encore en 1890, mais un empire consistant en une classe de maîtres avec sa propre culture, et une grande masse de sujets, comprenant les Américains, et les groupes à la pensée étrangère, presque aussi nombreux. La couche inférieure fournit les soldats qui envahirent l'Europe, mais les cerveaux qui décident appartiennent à des non-Américains.


Francis P. Yockey, Imperium, pp. 493-501. Trad. Arjuna. Première édition en 1948; deuxième édition: Costa Mesa, CA: Noontide Press, 1962.

 

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